L’an dernier, vous avez obtenu la nationalité française et vous venez de publier votre autobiographie, Être français (paru le 20 septembre aux Éditions Flammarion) dans laquelle vous déclarez votre flamme à la France. Pourquoi avoir choisi ce pays et pourquoi l’appréciez vous ? 

« Je l’ai choisie parce que j’aime le croissant et le pain au chocolat ! C’est bon, ça n’existe pas ailleurs. Mais aussi parce que j’ai toujours aimé la littérature française et que la France a la réputation d’être le pays le plus protecteur pour les journalistes réfugiés au Proche-Orient. J’aime la France douce, ouverte au monde, accueillant les autres et les intégrant dans son cœur. La France que j’aime c’est le pays des gens vivants, de la nature, du parfum, de la découverte et de la culture. »

Pouvez-vous nous expliquer ce que l’on ressent quand on quitte sa routine, sa famille et ses amis du jour au lendemain ? 

« Je pense que la solitude est une partie essentielle du chemin de l’exilé : on ne peut pas l’éviter. Il faut l’accepter et vivre avec. Je n’ai pas vu ma famille depuis onze ans et beaucoup d’entre eux sont morts… Je n’ai pas le droit de les voir et je ne sais pas pour combien de temps. Je ne sais même pas si je les reverrai avant ma mort. La distance crée la solitude et la perte d’une manière ou d’une autre. Même si on se revoit, on ne peut pas effacer ou rattraper la distance parce que le temps passe vite. On aura changé et je resterai un exilé d’une manière ou d’une autre. » 

Vous recevez des menaces de mort de la part des islamistes de votre pays d’origine qui vous traitent de traître, et d’autre part vous êtes rejeté par une partie de la gauche française qui vous accuse d’être récupéré par l’extrême droite. Qu’en pensez-vous ?

« Je ne m’y attarde pas. Je pense que les islamistes sont très dangereux parce qu’ils profitent de notre démocratie. Et les accusations d’une partie de la gauche française sont tristes. Elle se présente comme protectrice des minorités et engagée pour l’égalité, pourtant elle empêche une partie des migrants, comme moi, de parler : c’est contradictoire ! Aujourd’hui, quand on aime la France, on est vu comme quelqu’un de droite, par la gauche. Je ne sais pas si cette dernière aimera mon dernier livre : mon acte est perçu comme extrémiste alors que l’essence-même de ce livre est de lutter contre l’extrémisme. » 

Dans quoi trouvez-vous votre bonheur aujourd’hui ?   

« Dans la banalité quotidienne, prendre un verre en terrasse, avoir un bel échange avec une personne intéressante… Je trouve aussi ma tranquillité, ma satisfaction et ma sécurité dans l’écriture. » 

Vous dîtes dans votre livre : « Depuis je n’écris plus qu’en français, je pense et je parle dans cette langue mais je pleure toujours en arabe. » Pouvez-vous nous en dire plus ?

« Apprendre une nouvelle langue et s’y réfugier ne veut pas dire qu’on a abandonné sa langue maternelle, bien au contraire ! On s’y attache encore plus mais autrement. La langue arabe reste la langue de ma mère, la langue de ma mémoire et la langue de mon passé. Mais, la langue française est la langue de ma joie, de mon avenir, de mon engagement et de ma présence. »

Propos recueillis par
Romane PASSET et Laura KHIL

Il est présent sur le Festival ce dimanche à 16h pour une lecture musicale.

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